Je découvre avec un peu de retard un article du Monde ou Bruno Patino, président de la société Le Monde Interactif, semble répondre au lancement du nouveau site Liberation.fr et à la stratégie exposée par Serge July. Le papier insiste sur les questions d’organisation plutôt que sur le projet. Snif !
Je ne sais quand l’article en question basculera dans les archives payantes donc ne tardez pas à le lire : “Libération tente la révolution Internet sans jeter le papier au panier“. Bizarrement il me semble que l’article se concentre sur les questions d’organisation interne plus que sur l’exposition des projets. Je dis bizarre parce que cela me semble un peu injuste au regard des innovations des sites des deux quotidiens français. Logique d’un autre côté s’il sagit de rendre compte des inquiétudes exprimées au sein des deux rédactions. Donc on retient que Libération fusionne ses rédactions (rien de neuf glisse-t-on, perfide) et que Le Monde privilégie “le savoir faire� de sa rédaction Web. L’article ne précise pas que le Monde Interactif est une société dont le capital est partagé avec Lagardère. Bon. On ne saura pas si cela a une incidence, c’est bien dommage.
Depuis les annonces du Guardian et du New York Times il semble que cette histoire de fusion des rédactions concentre l’attention des analystes. Il me semble, je me trompe peut-être, que cela reflète surtout les préoccupations des équipes éditoriales mais au fond se révèle moins décisif que le projet éditorial lui-même. Pour tout dire, ce qui me frappe, c’est qu’on parle bien peu du lecteur dans cette histoire. Certes les propos récents du directeur de la rédaction du Wall Street Journal Europe décrivaient aussi des questions d’organisation. Mais on entendait un discours bien différent, un aveu brutal d’un basculement du centre de gravité du papier vers le web. Le Wall Street Journal est désormais un site Web doté d’une prestigieuse édition papier, voilà ce que j’entendais.
A côté, la présentation de Serge July semble singulièrement défensive. Quid des blogs? De l’interactivité? Du multimédia? Des témoignages filmés? D’un côté on revendique la “magazinéité�, sorte de magie émotionnelle, épinglée régulièrement par mon collègue Gilles Klein. De l’autre on investit dans de riches animations multimédia et des infographies tandis que les forums du Monde.fr sont réservés aux abonnés payants. Pas question de commenter les articles, nous sommes entre gens sérieux, l’information est hierarchisée…
Bref j’ai le sentiment bizarre qu’on ne veut pas effrayer par un discours trop sûr de lui-même mais que nos quotidiens sont bel et bien engagés dans la même voie que leurs homologues anglo-saxons. Leurs éditions en ligne, l’audience en témoigne, sont déjà de vrais succés. On s’étonne de tant de réserve. Qu’en pensent les lecteurs, voilà ce qu’on se demande et le silence est assourdissant.
Note: chez Libé on aime raconter, ça tombe bien je vous conseille “La Méprise. L’affaire d’Outreau� (Le Seuil), le livre bouleversant et cru de Florence Aubenas, loin du prêchi-prêcha sur l’art de journaliser. De la magazinéité pur jus.
[Mise à jour: le billet sur le livre “La presse sans Gutenberg� est ici]
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