Le titre exact du dernier rapport de l’institut Montaigne est « Comment sauver la presse quotidienne d’information » (à télécharger en .pdf). Une gourmandise de 116 pages qui dresse la liste des misères qui s’abattent sur la presse écrite et qui s’est faite remarquée depuis quelques jours pour ses 11 propositions pour échapper aux flammes. Je reproduis ci-dessous ces propositions. Elles n’ont pas toutes le même intérêt mais elles ont le mérite pour un public profane d’exposer quelques uns des soucis de notre industrie. La lecture du rapport me met tout de même mal à l’aise par cette mauvaise habitude de dissocier la presse écrite (comprenez « quotidienne et imprimée ») de la presse en ligne, d’ailleurs jamais vraiment nommée, on y parle de l’internet, sorte de décors dantesque peuplé d’ados ingrats. Comme si le lecteur de Libération, une fois en ligne, n’était plus vraiment le même lecteur.
Passons sur un paragraphe frisant le ridicule décrivant une jeunesse se désinteressant de la chose publique (donc des quotidiens, gardiens de la République et de la démocratie, CQFD). A quelques mois du CPE et du réferendum européen on mesure surtout l’incompréhension d’une certaine élite pour cette même jeunesse. Passons… Plus intéressant les questions de droits d’auteur qui bloquent la stratégie multi-supports (un point crucial à mon avis), les points de vente en diminution, les faibles marges des distributeurs, le manque de trésorerie des groupes, la question des imprimeries et des syndicats.
On ne peut pas dire que les propositions soient très offensives en matière d’investissement en ligne mais il faut être compréhensif, il s’agit surtout de restaurer un minimum de profitabilité sur le coeur de l’activité à défaut de contrer un mouvement inéluctable. Petit plaidoyer pour la concentration industrielle , aussi, ça peut aider. Evidemment, vu des USA, certains ricanent déjà…
Maj 31/08 : Jeff en met aussi une couche et nous sommes d’accord pour orienter le projecteur sur les droits d’auteur …
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Proposition 1 : Mettre en place un plan de réformes de la presse sur trois ans dans lequel l’obtention des aides serait strictement conditionnée à la restructuration des entreprises de presse. Les titres abusant des largesses de l’État seraient, après audit et suite à une période de trois ans, obligés de rembourser les aides perçues à titre exceptionnel. Adopter ensuite une loi prévoyant, au nom de la liberté de la presse, la suppression définitive des aides directes.
Proposition 2 : Supprimer définitivement les bureaux de placement tenus par le Syndicat du Livre – CGT. Financer des plans sociaux dans les imprimeries et mettre fin au monopole de l’embauche détenu par la CGT en dédommageant généreusement les intéressés.
Proposition 3 : Accorder des aides spécifiques aux titres ou groupes qui lanceraient dans les trois ans la construction ou la modernisation d’imprimeries indépendantes en province ou se regrouperaient pour imprimer sur un site commun en région parisienne. Réserver une part du plan d’aide de trois ans aux entreprises qui décident d’imprimer à l’étranger, soit en construisant leur propre imprimerie, soit en passant des accords avec des imprimeries locales, pour développer leur distribution à l’international.
Proposition 4 : Mettre en place une politique d’informatisation ambitieuse des circuits de distribution pour mieux ajuster les quantités mises à disposition par les éditeurs. Accélérer les négociations en cours sur la suppression de mise en place d’un titre chez les détaillants où il n’y a pas de vente pour trois parutions successives. .org
Proposition 5 : Supprimer le périmètre d’exploitation réservée pour les kiosquiers, mais exclusivement pour la distribution de la presse quotidienne. Contribuer en contrepartie à l’augmentation des revenus des kiosquiers en allégeant leurs charges fiscales et sociales. Proposer sur une période de trois ans des indemnités de départ aux kiosquiers qui rencontreront des difficultés économiques et favoriser la vente des quotidiens dans les bars et restaurants et chez les buralistes.
Proposition 6 : Mettre en place un système de distribution à la demande avec réservation et paiement des titres à l’avance, directement au détaillant, ou alors sur Internet ou par mobile.
Proposition 7 : Favoriser la prise en main des quotidiens par les jeunes qui entrent au lycée ou dans des établissement d’enseignement professionnel en proposant aux éditeurs de leur offrir un abonnement de trois mois.
Proposition 8 : Assouplir le dispositif anticoncentration concernant la presse quotidienne en autorisant tous les groupes européens à posséder un quotidien national payant et un gratuit.
Proposition 9 : Pour la presse quotidienne régionale, supprimer les seuils anticoncentration.
Proposition 10 : Modifier le régime des droits d’auteur pour les articles et les photographies de presse quand ils sont produits par des journalistes ou photographes salariés en intégrant cette rémunération supplémentaire directement dans le contrat de travail.
Proposition 11 : Aligner sur le régime de droit commun, par une renégociation complète de la convention collective de la presse quotidienne, les indemnités de licenciement liées à la clause de conscience ou de cession des journalistes. Cette mesure permettrait d’éviter l’hémorragie financière dont sont victimes les entreprises de presse qui se restructurent ou changent de propriétaire. Compte tenu du caractère spécifique de la presse, on peut imaginer, au surplus, le principe d’une indemnité supplémentaire, forfaitaire et égale pour tous et, en cas de reprise, limitée à une juste et raisonnable proportion des capitaux investis pour renflouer le journal. La nouvelle convention doit être négociée avec les syndicats de journalistes – la meilleure des contreparties à la remise à plat de la clause de cession étant une augmentation très significative des salaires des journalistes en poste.
> La liste à imprimer et épingler au dessus du bureau ou du lit
Hummmm, je suis en train de manger ce morceau… Mais je pense qu’on est parti pour quelques journées de posts intenses 😉
Pas très intense pour le moment, JFF, mais je vois des syndicats se lever dans le fond de la salle… 😉
Tout ça m’apparaît tout de même comme des mesures à très courte vue, qui ne tiennent pas vraiment compte de certains changements paradigmatiques dans la problématique de la diffusion de l’info. Enfin, il ne faut peut-être pas tout demander tout de suite…
Les propositions semblent surtout servir des intérêts très différents. Je ne suis pas enclin à commenter les plus provocatrices mais comme je le dis plus haut les questions de droits d’auteur sont à mon avis en train de couler le navire de façon bien plus certaine que tout le reste. Il faut trancher et vite. Mais je prêche pour ma paroisse …
Je vois que ma contrée natale est vive aussi 😉
Après lecture, voici mes impressions. Ca sonne comme un cas marketing pour 2ème année d’ESCn filiaire finance ou RH… Un truc pondu en vase clos, certe avec une bonne documentation, mais un rapport de ce type sans avoir interrogé le moindre éditeur ou rédac chef, c’est un peu ledg !!!
De mon point de vue, c’est un playdoyer pour la presse parisienne essentiellement (je sais blah blah blah… 😉 et en ces périodes pré électorales, c’est un peu comme un premier coup d’essai pour un programme de présidentiable ;o)
Je rejoins Emmanuel sur la partie Droit d’auteurs, ce bébé n’a vraiment pas bénéficié d’une bonne étoile… et quand on en déroule l’historique c’est à pleurer… et par contre le retard (et l’absence pour encore certains quotidiens) va coûter très cher à rattraper !
L’institut Montaigne regroupe pourtant quelques plumes et rédacs chefs. Je me demande en effet s’ils ont pris part aux discussions.
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à croire que notre think tank ne connaît pas grand chose de la réalité salariale des journalistes. Prétendre que nous (oui, je suis journaliste) sommes attachés au droit d’auteur pour des considérations financières en raison de la faiblesse des rémunérations (ce qui n’est pas faux) c’est oublier que les droits d’auteur rapportent souvent moins que les primes d’intéressement annuelles. Alors, sommes nous autant attaché à 100 ou 150, quand bien même 300 euros par an ? Non si nous tenons au droits d’auteur, c’est parce que nous sommes (enfin moi) persuadé que la nature du support (presse écrite, web, télé, radio) implique des manières de faire différentes. Et que ce qui est écrit pour un quotidien par exemple, n’est pas publiable en l’état sur un site web.
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