J’aime bien le mot de Jean Guitton : « être dans le vent c’est avoir un destin de feuille morte ». C’est un peu ce que m’inspire le débat « écrire pour Google » qui sort peu à peu du cercle des pros du web pour interroger les pratiques des journalistes et des medias en général. Maintenant que publier sur le web est une affaire sérieuse et que le coût d’acquisition du lecteur monte en flêche, l’optimisation des sites web en vue de leur référencement dans les moteurs de recherche est devenue une question de micro-chirurgie. Choisir ses mots pour coller aux préférences de Google fait partie de la stratégie et certains quotidiens US n’hésitent plus à former leurs journalistes et secrétaires de rédaction pour s’assurer des bonnes pratiques.
Jeff Mignon a réouvert le débat, poursuivi par Philippe Couve qui voit déjà les limites de l’exercice. Il a d’ailleurs bien raison. Je ne reprendrai pas l’ensemble du débat bien résumé par Jeff mais j’y apporte quelques nuances. Clairement le rédacteur doit garder à l’esprit qu’un titre informatif doit désormais obligatoirement comporter les mots clés qui désignent l’essentiel du contenu de l’article. Rien de nouveau, je l’ai déjà dit, par rapport à ce qui est enseigné dans les écoles de journalistes disons simplement que les titres « à la libé » plein de bons mots risquent en effet d’expédier votre article dans le purgatoire du web, c’est à dire dans les bas fond de l’index de Google. Disons qu’une bonne part se joue en général dans l’articulation du titre et du chapo puis par la densité et la cohérence du texte.
Ca c’est la préhistoire des conseils en matière de SEO (Search Engine Optimization). Reste que désormais certains ont fait du moyen, rendre visible son article, une fin en soi. Certains petits champion du blog s’empressent ainsi de pondre des billets ineptes mais composés des bons mots clés dès qu’une polémique surgit sur le Web afin de capter l’audience. Appliqué à l’industrie des medias celà signifie qu’on peut être tenté de choisir ses sujets et ses mots à partir de l’analyse des mots clés les plus populaires. Et ça marche…
Malheureusement…
Toutefois c’est un calcul de court terme qui peut rapidement détourner une stratégie éditorial de ce qui devrait être sa vraie préoccupation: non seulement capter l’attention du lecteur mais l’informer et assumer sur la durée un angle et un positionnement éditorial. Bref non nous n’écrivons pas pour Google mais pour un lecteur. Encore faut-il apprendre à s’habiller correctement… C’est toute la nuance entre attirer une audience passagère et la fidéliser. C’est la grande question des prochaines années pour les medias d’information, pour leur survie. L’audience de Google est en effet sous certains aspects totalement fictive et les instruments de mesure, instituts de sondage, créent cette fiction en leur attribuant une cohérence qu’elle n’a pas. C’est le vrai sens de ma critique de l’étude Ipsos sur les blogs, une audience dispersée qui navigue au hasard du web n’a jamais fait un media.
Pour revenir à des arguments plus prosaïques, coller aux mots clés les plus populaires de Google c’est prendre le risque de s’épuiser et de devenir « obsolète » rapidement à mesure que passe l’actualité. Rester informatif et couvrir sur la durée l’essentiel des thématiques propre à son secteur c’est au contraire être prêt quand l’actualité cristalise un événement.
Je prends un exemple récent que j’ai observé sur le site lesechos.fr. Il y a quelques semaines l’actualité politique s’est focalisée autour de la société civile immobilière (« SCI ») de Ségolène et de l’ISF. Evidemment un quotidien d’actualité financière est naturellement à traiter ces thèmes en profondeur ce qui n’est pas le cas des medias généralistes. Des sujets par ailleurs habituellement austères, destinés à un public spécialisé ou concerné. Le résultat se passe de commentaire (voir ici et là) , la présence d’un contenu riche et naturellement référencé a permis de générer un large flux d’audience alors que la grande majorité des autres médias ont du, je l’ai vérifié le jour même, acheter massivement les mots clés « SCI » et « ISF » pour se positionner sur les pages de résultats. Bonne affaire au final pour Google.
Moralité: vive le référencement naturel et les sujets traités en profondeur, sur la durée. D’ailleurs les pros du SEO vous le diront, Google aime les contenus qui durent…
Les lecteurs aussi.
> Lire aussi le billet de Jean-Marie Le Ray qui analyse très finement la technique d’optimisation de lécriture.
bon, ben rien à rajouter… 🙂
Votre titre est bien! Et il contient un mot clé qui pèse lourd, plus qu’une feuille morte: google
Ce que j’ai appelé la règle G + 2H + 5W !
http://adscriptum.blogspot.com/2006/04/ecrire-pour-le-web-quand-vos-lecteurs.html
Jean-Marie
Merci Jean-Marie je savais bien que j’oubliais des articles sur la question, j’ajoute illico le lien vers ton billet
Emmanuel,
J’ai découvert dans ton article l’achat d’Adwords par certains grands médias pour se positionner en première page sur les sujets chauds.
Je trouve dommage cette fausse obligation que ressentent les internautes de trouver l’info qu’ils recherchent dès les premiers résultats, qui risquent de plus en plus d’être biaisés par tout un tas de considérations commerciales.
En revanche il y a toute une sensibilisation à faire sur la nécessité de fouiller davantage LES premières pages, toujours pleines de bonnes surprises.
Pour mes traductions je fais constamment des recherches et il n’est pas rare que j’atteigne la dixième page, voire plus, en faisaint moisson à chaque fois de ressources aussi riches qu’inépuisables et de qualité.
J’espère ne pas être le seul 🙂
Jean-Marie
J’espère trouver le temps de consacrer un billet sur ces achats de mots clés par les medias. Il y a matière car la stratégie est souvent mise à nue…
La recommendation de Google est d’optimiser pour les lecteurs. Cependant, force est de constater que les algorithmes d’indexation de Google, même s’ils s’améliorent continuellement, sont limités. Aussi, il y a bien une manière d’écrire sur le web. Néanmoins, comme tu le fais remarquer, finalement, ce qui compte avant tout, c’est le fond. Néanmoins, cela ne doit pas faire oublier que la forme, elle aussi, compte.
je viens de m’apercevoir que j’avais aussi écrit un truc la-dessus il y a un an (et que j’avais oublié, c’est ça la magie des vieux blogs) en disant à peu près la même chose… :
http://blog.ronez.net/?p=354
Joel
Meme vieux, ton article ressort tres bien (dans GG) sur la thématique « ecrire pour google ».
A noter que 2 articles sur le sujet sont parus sur la lettre R&R d’Abondance.com en décembre et janvier, et que le 3ème sort cette fin de semaine.
1 – Titre et TITLE
2 – Mots clés et longue Traine
3 – 5 principes directeurs d’écriture
Où j’ai essayé d’être le plus complet sans trop répéter ce qu’on peut trouver partout. C’est précisément le pt de vue du rédacteur que j’ai adopté.
David
un peu de concurrence ferait du bien !
Megaglobe ?
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Point de vue intéressant, même si je trouve que le prétexte du dictat de l’écriture pour Google, fallacieux et l’arbre qui cache la feuille : ce serait la course à l’optimisation et l’intégration du SEO qui pousserait les journalistes à se désintéresser du traitement du fond sur le web pour préférer le People et la forme ? …
Les journalistes n’ont pas eu besoin du web pour le faire et qu’une majorité d’entre eux soit sous pression pour écrire sur les sujets les plus lus, l’actualité la plus chaude du moment VERSUS écrire sur les mots les plus tapés sur Google, qui est le même mécanisme et conduit naturellement aux même dérives dont tu parle, libé est effectivement un bon exemple et on est bien d’accord, sur le fond.
La puissance de Google aujourd’hui et la maturité des analyses d’audience (site centric) ne font que donner encore plus de visibilité et lisibilité à ce comportement des journalistes : j’écris ou je parle de ce qui fait vendre le plus. (point)
Ecrire en fin de bouclage, la veille pour le lendemain est fréquent dans les rédactions, le SEO n’y est pour rien si les journalistes ne peuvent pas (plus) prendre le temps d’écrire, rechercher, vérifier, mener des réflexions de fond et faire de la prospective, et effectivement voir des visiteurs passer en coup de vent sur leurs articles, bien positionné.
Le SEO à autant à gagner et apprendre du journalisme que le journalisme du SEO et l’article de JM Leray est pour cela excellent et un offre un très bon compromis sans tenter de nous proposer une énième nouvelle lutte de corporation bien inutile AMHA, le SEO Journalisme est forcement un mix entre nos 2 métiers et pour le bien des deux.
Alors vive le SEO, vive les titres informatifs/chapeaux descriptifs et les articles de fond avec une ligne éditoriale pertinente !
P.S : Si Google préfère les vieux contenus, c’est surtout l’age du nom de domaine qui compte, à l’opposé Google adore aussi les articles régulièrement mis à jour, enrichi, vus, bref beaucoup de défis à remonter du coté des journalistes à condition que chacun fasse un pas vers l’autre 🙂
Je ne crois pas non plus que Google soit à l’origine de la peopleisation de la presse 🙂
Je ne pense pas à Libé comme meilleur exemple non plus … Je crois en effet surtout (ca rejoint ce que vous dite) que Google met parfois à nu certains intérets économiques et les renforcent mais tout cela ne fait pas une stratégie de long terme.
Ceux qui suivent Google trouveront toujours quelqu’un qui fera mieux …
Certes, en se mêlant des affaires d’autrui par là j’ai trouvé quelques utilités assez effrontées pour surveiller le positionnement de la compétence et pour voir s’ils(si elles) ont des blocs(trucages), etc.. Si vous avez une curiosité je vous conseille qu’il eheis un coup d’oeil. Ils(elles) sont apparemment gratuits: http://www.lineared.com/es/recuperar/fr-datos-posiciones-google-msn-yahoo.htm