Pub: comment la technique du reciblage détourne la valeur des sites éditoriaux

Lisez  très attentivement cet article d’Australian IT qui révèle un petit scandale sur certaines pratiques d’agences de pub en Australie.

En résumé: certaines agences ont compris comment exploiter le différentiel de CPM entre des sites éditoriaux à forte valeur ajoutée et des sites ou services à faibles CPM. Pour cela elles diffusent des campagnes sur les premiers, destinées à recueillir les données de navigation et de comportement des internautes. Ces informations sont stockées dans des cookies exploités par les adservers (les serveurs chargés de diffuser les campagnes publicitaires). Si l’internaute est identifié plus tard, par la présence sur son PC de ce cookie,  sur un site ou des réseaux à faibles CPM on lui sert alors une publicité ciblée et evidemment moins couteuse à diffuser que sur le premier site.

En clair on utilise les informations recueillies sur le site à forte valeur ajoutée pour qualifier l’audience sur un autre site à faible valeur ajoutée. C’est le but  du ciblage comportemental destiné clairement à valoriser les immenses inventaires des grands portails par exemple sur les pages des boites aux lettres électroniques. Sauf qu’ici on n’achète qu’un minimum d’espace sur le site de l’éditeur, voire même des espaces insignifiants, peu performants et à faible coût, le but n’étant pas en réalité de diffuser la campagne mais de générer un maximum de cookies qualifiés. Le gros de la campagne est dépensé ailleurs à moindre coûts mais en la justifiant par une audience qualifiée sur des sites!

Tout ceci à l’insu de l’éditeur du premier site et surtout à l’insu de l’utilisateur lui même. Pour faire court imaginez qu’un lecteur de LesEchos.fr se voit proposer de la publicité pour des services financiers quand il navigue sur un site de voyage. Pas scandaleux en soi, sauf que tout  le bénéfice de la stratégie consistant à proposer des contenus exigeants à une audience très ciblée est détourné à l’insu de l’éditeur pour enrichir un autre service. Autrement dit sur l’éditeur pèse l’ensemble des côuts permettant de qualifier une audience tandis que le bénéfice est collecté ailleurs. Les réseaux à faible CPM parasitent les sites à forts CPM… CQFD.

Ce que vient de rendre public cet article, et qu’on appelle le « retargeting » (reciblage) n’est ni plus ni moins qu’un vol. Au centre de la polémique: le rôle des ad-servers (les serveurs qui diffusent techniquement les campagnes) qui sont au coeur du système sur chaque page des éditeurs,  captent l’information et peuvent être manipulés en acceptant l’ajout de système de tracking de sociétés tierces.

Une question simple: qui contrôle les ad servers ?

La question compliquée: ce détournement de la valeur de l’audience est un vol car il s’effectue à l’insu des éditeurs et des utilisateurs. Mais comment le qualifier si on obtenait l’autorisation de l’une ou l’autre des parties?

Comment?

En rendant le processus cool
En rendant le processus utile

En le baptisant Open social ou Open Id, par exemple…

(Qu’on se rassure pour ça aussi il y a une réponse, une réponse négociée basée sur la reconnaissance du déséquilibre de l’échange de valeur. Encore faut-il la mesurer)

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WAT: pour TF1 le contenu utilisateur n’est plus une priorité

A lire sur ZDNet.fr (un des sites dont j’ai la charge) un entretien avec Olivier Abecassis DG de WAT, la plate-forme video de TF1. Il annonce un intéressant revirement de stratégie: désormais la priorité consiste à monétiser le contenu propriétaire de la chaîne ainsi que celui de ses partenaires. WAT continuera à héberger le contenu des utilisateurs (UGC) mais ne croit plus à la capacité de tirer des revenus suffisants de ces videos à la qualité aléatoire et controversée.

Une décision qu’on peut rapprocher de la stratégie autour de Hulu.com aux USA, soutenue en particulier par Fox (Murdoch) et qui consiste à privilégier exclusivement la monétisation des contenus des éditeurs. Le calcul est simple: mieux vaut moins d’audience mais une monétisation à l’unité accrue et exploiter ses fonds de catalogue. En face rappellons que Youtube ne monétise que moins de 5% de son stock de video.

La strategie des Youtube, Dailymotion et même Myspace consiste aussi à accroitre la part du contenu propriétaire par des accords avec des éditeurs mais également, ce qui est passé un peu plus inaperçu, à recycler le contenu « piraté ». Comment? Grâce aux différents système d’identification des videos qui permettent de réattribuer la paternité de ces contenus aux éditeurs d’origine et de leur proposer un partage des revenus sur leur exploitation. Une stratégie ingénieuse qui transforme le piratage en système de distribution. Malin. Très malin même si, en pratique, l’identification des videos est loin d’être un processus fiable et repose sur la capacité de référencer au préalable les oeuvres originales afin de comparer les signatures numériques.

Bref deux modèles et deux choix stratégiques s’opposent sur le marché de la video. Une course contre la montre.

Etats généraux de la presse: et la pub?

D’un côté on rassure les troupes avec l’incontournable « l’information-n’est-pas-une-marchandise » (« comme les autres » est-il précisé, signe d’un début de clairvoyance), de l’autre on aborde les points chatouilleux. Merci aux étudiants de Sciences Po pour quelques videos prises à l’occasion des rencontres du Pôle 3 consacré à Internet. Si vous avez du temps à perdre vous pouvez lire le récit d’un pitoyable incident de séance qui me deçoit comme abonné de Mediapart (ce qui ne les empêche pas d’être pertinent sur la critique de l’organisation de l’événement mais je crois qu’ils se trompent de combat, passons).

Les choses sérieuses commencent avec le rapport McKinsey (voir l’explication d’Eric Scherer de l’AFP) qui décrit l’essentiel de la chienlit ambiante côté économie de la presse. Si vous lisez ce blog vous en connaissez déjà les grandes lignes en particulier pourquoi la pub fuit la presse. Je retiens la video de Frederic Filloux (20Minutes – groupe Schibsted) un des rares à s’exprimer sur le terrain du modèle économique.

Je relève la remarque particulière sur le prix de la pub en ligne en France et de la chaîne « alimentaire » qui ponctionne les revenus publicitaire en amont des éditeurs. Remarque qui peut sembler anodine à qui ne sait pas que le prix moyen de la publicité en France est 3 à 4 fois inférieur à celui de la Grande-Bretagne ou des USA. Une particularité déjà relevée ici et qui conduit à compromettre le modèle économique de la presse en ligne française. Un raisonnement que j’ai eu l’occasion d’expliquer aux étudiants de plusieurs écoles de journalisme et que Frederic Filloux a popularisé très brutalement sur son blog, calcul à l’appui (traduction chez Benoit). Hypothèse sous entendue par Filloux: quelle responsabilité des agences de pub et des acheteurs d’espace dans cette particularité française?

A lire aussi le résumé de la séance par Eric Scherer sur Mediachroniques

(A noter aussi un tres bon papier de Filloux sur les errances de la diffusion gratuite des quotidiens, l’autre facette des petits secrets de la diffusion. Sur ce point je suis prêt à penser qu’une partie de la baisse actuelle de diffusion des journaux peut s’expliquer aussi par la réduction de cette diffusion « grise » afin de restreindre les coût de fabrication et de distribution, ce qui grossit artificiellement les statistiques décrivant cette baisse de diffusion)