Une étude sur la stratégie des médias sur internet

A lire dans Libération un entretien avec David Targy, un analyste du cabinet Precepta auteur d’une étude détaillée sur la stratégie des medias sur internet. Lire aussi l’excellente analyse de Danielle sur le sujet. Je partage les observations de David Targy qui qualifie de sites compagnons la plupart des sites médias issus de titres de presse. Toutefois la tendance est plutôt à l’éloignement de ce modèle. L’Express.fr a ainsi adopté une stratégie de quotidien, le Nouvelobs.fr propose depuis longtemps des flux d’actualité permanents, les quotidiens nationaux développent des services et des contenus spécifiques au web et la PQR lance des services, blogs de lecteurs, petites annonces, même si ses membres sont encore loin de proposer l’ensemble des contenus produits. Le mouvement est certes prudent mais déterminé.

Les revenus publicitaire en question
Entièrement d’accord avec le constat sur la faiblesse des revenus publicitaires face aux grands portails. En fait à mon avis la plupart des sites d’information commercialisent leurs pages à des niveaux de CPM bien trop faibles, le plus souvent inférieurs à 10 euros. Un niveau qui est un aveu de faiblesse et ne permet pas de les différencier des grands portails et met directement le modèle du CPM en concurrence avec celui du CPC ou CPA, des modèles de rémunération à la performance très gourmands en inventaire de pages. Impossible dans ces conditions de rivaliser avec les portails qui raflent l’essentiel des revenus publicitaires comme le note l’auteur.

Contrairement à ce que laisse entendre le titre de l’article de Liberation, je doute de la capacité à long terme des portails à s’approprier durablement le marché des médias d’information. MSN en France tient son succés essentiellement à son populaire Messenger, Yahoo a entrepris une stratégie orientée vers le grand public façon TF1 qui le conduit à investir sur le sport, les loisirs et les services pratiques tandis que les contenus d’information et d’actualité n’ont pratiquement pas évolués depuis plusieurs années. Difficile dans ce cas de servir les besoins d’un lectorat exigeant en matière de contenus ciblés. Danielle Attias note à juste titre que Yahoo US a abandonné récemment la production d’un show de divertissement. Difficile marché que celui de la production de contenus quand on est constitué d’un agrégat de services.

C’est aussi à mon avis une leçon pour les médias d’information qui seraient tentés de multiplier les services et plates-formes en tout genre. Un matin on se réveille dans la peau d’un portail généraliste et il est encore plus difficile de justifier sa différence avec les grands portails. On se retrouve alors sur la case départ avec des tarifs publicitaires écrasés, prisonnier de la course au trafic… A moins de justifier d’une vraie spécificité par exemple dans le cas de la PQR (presse quotidienne régionale) et son marché local.

La question des offres payantes
David Targy envisage avec prudence l’option du payant comme solution. Une prudence justifiée par l’absence de chiffres et d’exemples assez nombreux pour être concluants. Malgré l’évidente popularité de la gratuité je dois rappeller une autre évidence: le niveau des CPM pratiqués actuellement ne permet pas de financer la production de contenus, du moins pas les volumes produits chaque jour par un quotidien. D’où l’enjeu crucial pour les médias de se différencier sans compromettre la valeur ajoutée de leurs contenus afin de pouvoir soutenir des tarifs publicitaires élevés. Un débat que j’ai abordé lors des rencontres Médias et proximité. Dans ces conditions l’option gratuite n’est en réalité pas envisageable si l’ont revendique l’ambition de développer une presse d’information en ligne puissante, exhaustive et influente. Sinon il restera toujours l’alternative d’une forme plus légère de médias où les contenus sont réduits au minimum au profit de l’animation d’espaces communautaires et d’une sureprésentation des services à la manière d’Aufemin.fr, un site plusieurs fois cité par David Targy dans l’entretien.

7 réflexions sur “Une étude sur la stratégie des médias sur internet

  1. Bonsoir Emmanuel,
    d’autant que les médias français manquent de moyens, notre marché hexagonal n’étant pas suffisant. Les investissements en matériel (hébergement) et en hommes (graphistes, développeurs) sont quasiment identiques pour tous les pays. Inévitablement, si mon marché est petit, mon investissement sera plus long à rentabiliser.

  2. D’accord Cedric mais ça n’explique pas les différences (le gouffre je devrais dire) entre le marché français et celui en Angleterre ou en Allemagne. Je parle des niveaux de CPM ou de CPC largement inférieurs. Retard qu’il faut rattraper avec une productivité démultipliée

  3. Arf, j’avoue ne pas bien connaitre les niveaux de CPM ou de CPC en Angleterre et en Allemagne… Si tu as des idées de comparaison ce serait top.

    Pour l’angleterre je peux à la limite comprendre, l’anglais est lu partout.

    Pour l’Allemagne, je ne vois pas trop… A moins que l’audience soit extrêmement qualifiée ?

  4. Bonjour Emmanuel, comme d’habitude, tu mets le doigt là où ça fait mal 🙂 et Danielle Attias également. Le problème que l’on voit tous les jours en France, c’est que les sites médias (producteurs de contenus, donc avec des coûts de production colossaux) passent leur temps à expliquer aux annonceurs qu’ils ne sont pas des portails et donc ne bradent pas leurs tarifs publicitaires en jouant sur des volumes énormes. Ils créent la valeur ajoutée (l’info), mais ont du mal à répercuter cette valeur sur « le prix de leur page ». Et certains bradent quand même, quitte à ce mettre une balle dans le pied et tirer tout le monde vers le bas.

    Etonnant, un peu comme si on confondait « Elle » et « La Redoute »…

    Juste un point sur lequel je n’adhère pas avec Danielle : la prime du premier ou dernier entrant (le fameux time to market). Les exemples cités dans son billet concernent principalement des outils et services. Lorsque l’on y regarde de près pas mal de sites ont consolidés leur position car ils ont commencé en premier, même si leur techno n’était pas la meilleure – ni la pire (Kelkoo est un bon exemple, aufeminin.com également). Une fois les utilisateurs captés, difficile de les faire passer à autre chose.

    Quant aux différence de tarifs de CPM et CPC entre Allemagne, France et Angleterre, je confirme. Les rapports sur un même dispositif peuvent varier de 1 à 5 (voire plus), notamment sur le commerce en ligne… j’avoue que j’ai toujours du mal à me l’expliquer rationnellement.

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