Rapport Tessier et label de la presse en ligne, suite …

Pour mieux comprendre les subtilités qui ont mené à ressusciter l’idée d’un label lire l’excellente interview de Maxime Baffert, inspecteur des Finances et coauteur du rapport, sur ZDNet. Encore une fois l’initiative n’a rien à voir avec l’idée d’une légion d’honneur de la presse traditionnelle telle qu’on a pu l’entendre il y a quelques années (ce qui m’avait fait assez fait soupirer à l’époque). C’est méconnaître les questions qui agitent les acteurs de l’internet. La difficulté de se repérer dans le maquis des sites medias est en cause. Même Google reconnaît la necessité de mettre de l’ordre dans l’index de Google News. Même son de cloche chez Wikio, par exemple, qui pondère dejà positivement certaines sources par rapport à d’autres.

Le label est une idée fragile certes, il y a peut être d’autres voies, mais qu’on ne s’y trompe pas les temps sont à la recomposition du paysage et au grand nettoyage du fatras communautaire en premier lieu pour des raisons économiques et de marché publicitaire. des raisons très puissantes qu’il ne faut pas sous estimer. En second lieu pour des raisons légales et même fiscales. Au passage le rapport s’intéresse au statut des contributeurs rémunérés pour en faire des correspondants de presse. Ce sont des pistes intéressantes. Il est trop tôt pour dire si celà aboutira mais pour une fois il semble qu’on tente de prendre en compte l’évolution de l’industrie des medias.

Enfin c’est aussi une chance de renforcer la crédibilité des medias indépendants pure players et ça c’est nouveau…

Maj 28/02/070: Maxime Baffert réagit sur Netpolitique (voir les commentaires) 

10 réflexions sur “Rapport Tessier et label de la presse en ligne, suite …

  1. Oui j’entends bien, mais il me semble que pour mieux faire comprendre ce que ça pourrait donner, il faudrait commencer à détailler comment mettre en place un label (qui le définit, quel est le processus), et « les critères de qualité garantissant les processus de fabrication de l’information » qui pourraient être les siens.

    Qui juge du respect des « règles » de « déontologie » ? Comment on distingue qualitativement les sites d’information « sérieux » des sites qui colportent des rumeurs, reproduisent des informations sans citer leurs sources, ou font simplement part de leurs avis totalement subjectif sur telle ou telle question ? Et pour prendre un bon exemple, comment classe-t-on Techcrunch par exemple, un site qui est devenu majeur dans le paysage, mais dont de nombreux journalistes critiques le non respect de règles « déontologiques » justement…

    Sur les propositions esquissées par l’interview, on peut se poser la question sur bien des critères : la séparation de la rédaction et des activités commerciales par exemple, ferme la porte à 99 % des sites web hors presse : la plupart du temps, c’est une seule et même personne qui fait tout ! Un autre critère, celui d’une rédaction organisée par exemple (qui semble être l’un des critères de Google News également) me semble poser un problème de fond.

    Maintenant, l’idée du statut du « correspondant en ligne » est peut-être une bonne idée… Sauf si c’est pour offrir un statut précaire supplémentaire à ceux qui sont déjà aujourd’hui bien souvent pigistes précaires…

    Bref les idées peuvent être intéressantes, mais ont-elles été discutées en dehors des cénacles de la presse traditionnelle ? As-t-on invité Agoravox, MonPuteaux ou Techcrunch aux discussions par exemple (histoire de prendre des exemples de sites d’information d’aujourd’hui) ? J’ai comme un doute – mais je veux bien me tromper.

    Tout cela me semble bien corporatiste au final… Or justement, c’est d’ouverture vers de nouveaux modes d’information dont à besoin la presse traditionnelle.

  2. Sur la question de la surveillance des règles, la question se pose déjà depuis des années en presse même si chacun s’accorde à critiquer certaines dérives le système continue de fonctionner. C’est aussi une affaire d’autorégulation. C’est bien ce qui est en jeu ici, l’autorégulation entre acteurs qui partagent la même exigence.

    Quel est le problème de ne pas intégrer des sites individuels? D’ailleurs rien ne le dit a priori. Je ne suis pas d’accord quand tu dis que cela « exclut » des sites. Un grand nombre ne seront pas concernés voilà tout, et il n’est pas sûr d’ailleurs que cela soit un handicap. Certains découvriront peut être au passage que leur conception de l’information est très personnelle…

    Je ne vois pas trop ce que viennent faire Monputeaux et Techcrunch là dedans? Monputeaux n’est pas un site à vocation professionnelle. Agoravox oui très probablement, il est d’ailleurs cité dans le rapport me semble-t-il. Chacun pourra certainement apporter sa pierre. Ceci dit nous en discutons mais tout celà n’est qu’un projet. Ca fera peut être pschiiit…

    Au final oui c’est peut être corporatiste, professionnel surement (j’ai toujours mis la vraie frontière sur l’aspect professionnel du projet et non sur le statut – blog, individu, encarté ou non etc..), mais enfin ouvert.

    En tout cas cette idée de label doit au moins servir à rassembler une famille élargie de professionnels de l’info pour accompagner les mutations de toute une industrie, s’il s’agit de servir une stratégie défensive ce sera en effet inutile et pour tout dire assez ridicule.

  3. Bonjour Emmanuel,

    Je dois avouer que je n’ai pas une opinion à 100% tranchée. Je tends plutôt à partager l’opinion de Quitterie Delmas qui vient de publier ce matin un long article sur AgoraVox et qui suscite des centaines de réactions: http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=19613

    Comme j’ai dis dans un des commentaires, à partir du moment où les pouvoir publics fournissent vraiment des labels et des aides pour la presse, on rentre alors dans une sorte de « concurrence déloyale » qui pourrait favoriser ceux qui acceptent de se « conformer ».

    Un des rédacteurs d’AgoraVox avait bien montré par le passé comment la commission paritaire pouvait « tuer » beaucoup de petites revues en enlevant des exonérations de TVA par exemple et en multipliant ainsi par 9 leurs coûts de fonctionnement…

    Ceci est fait systématiquement fait avec les revues de santé un peu trop « naturelles » quand elles commencent à s’attaquer aux méfaits de certains médicaments ou plus globalement quand elles s’attaquent au secteur pharmaceutique.

  4. Merci pour le lien Carlo mais même si cet article est long et passionné il me paraît surtout inutilement paranoïaque ce que certains commentateurs ont souligné. Mis à part la question , très politique, de la commission de déonotlogie, je crains qu’il ne mélange un peu tout.

    En ce qui concerne la quesion du label il y a de toute évidence une méconnaissance du contexte. On ne peut comprendre cette question sans lire dans le rapport tous les chapitres consacrés au contexte économique, législatif. En premier lieu et une nouvelle fois il s’agit ici d’une question industrielle pas d’une atteinte aux milliers de sites produits sans visée professionnelle.

    Au passage le fait de ne pas être choqué par la publication (et l’exploitation commerciale de fait) des videos de Slapping montre assez bien la méconnaissance totale du contexte juridique et une certaine démagogie que je trouve regrettable. J’en profite pour dire, sans affront, que c’est exactement ce qui me déplaît dans beaucoup de contributions sur Agoravox.

    Bref même si je partage avec l’auteur certaines inquiétudes sur le plan politique je pense que sur la question du label elle passe à côté des vraies questions et des vrais enjeux.

    Je ne sais pas pourquoi Agoravox n’a pas été consulté alors qu’il est cité, c’est vrai qu’ont surtout été consultés des organismes de presse traditionnels mais c’est peut être justement parce qu’on aimerait y voir plus clair dans cette famille très dispersée de sites d’information. C’est tout l’enjeu du label d’y aider et pour ma part je salue que tous ces professionnels admettent enfin de reconnaitre l’émergence de concurrents d’un nouveau genre.

  5. Emmanuel,

    Comme je l’ai dit je n’ai pas un avis encore totalement tranché. Si ce label ne concerne que les sites de la presse professionnels, why not. Mais je n’ai pas vraiment l’impression. Ce qui me gêne le plus c’est le lien potentiel entre l’obtention de ce label et des éventuelles exonérations ou aides fiscales et économiques.

    Je ne vois pas où tu as vu que l’auteure de notre article n’est pas choquée par le happy slapping. Bien au contraire. Mais ça ne l’empêche de mettre en garde contre les dérives potentielles de ces nouveaux interdits, exactement comment le fait la Wikipedia: http://www.a-brest.net/article3141.html

    Je sais que tu n’as jamais vu d’un très bon oeil AgoraVox, ce qui est ton droit le plus strict. Je suis le premier à reconnaître que la qualité des articles est parfois inégale mais ce n’est pas aussi le cas dans la presse dite traditionnelle?

    Mais en l’occurrence, je considère cet article assez réfléchi, clair et synthètique. Et sommes toutes assez modéré par rapport à d’autres positions, bien plus radicales, comme celle de la Ligue Odebi qui déclare:

    « La Ligue, quant à elle, dénonce ce projet, qui n’a tout simplement pas lieu d’être dans une démocratie.

    Le cynisme du rapport Tessier culmine dans le dernier paragraphe du rapport: “un label, qui pourrait également servir de référence dans différents mécanismes publics relatifs à l’information en ligne et notamment les aides (aide en fonds propres, TVA réduite, statut de correspondant en ligne…)”

    Il s’agit ni plus ni moins que d’acheter le contrôle de l’information sur le net.

    Croyant sans doute rédiger une note interne, Marc Tessier prodigue par ailleurs d’excellents conseils au ministre de la communication: “Sans compter que la réaction des internautes, difficile à anticiper, pourrait bien être négative face à un label officiel, géré par les pouvoirs publics et les organisations professionnelles, et qui apparaître (sic) comme une tentative de contrôle ou d’encadrement d’un réseau dont les aspirations libertaires sont très fortes. Il faut éviter à tout prix que cette démarche ne soit ressentie comme la mise en place d’un label « Presse française d’origine contrôlée »”

    Marc Tessier est donc un grand démocrate, les internautes étant, eux, bien évidemment, de dangereux libertaires. »

    Knight Ridder: histoire de la chute d’un des plus grands groupes de presse mondiaux

  6. Exact sur le Happy Slapping j’ai mal interprété le paragraphe, mes excuses à l’auteur, toutefois il me semble bien qu’on veut dédouanner le diffuseur ce qui me parait assez tordu comme raisonnement et tout à fait à l’opposé de la démarche d’un éditeur qui assume ses contenus.

    Je ne comprends pas trop pourquoi tu juges les propos de Tessier « cynique », il dit assez clairement qu’il s’agit de pouvoir légiférer sur un secteur dont il faut délimiter le périmètre. Alors qu’on se prépare à partager les revenus des sites participatifs tu ne crois pas qu’il faut anticiper le statut des contributeurs? Actuellement c’est le brouillard complet. Et je ne parle pas de ceux qui découvrent le droit de la presse au hasard des contributions sur les blogs. Je crois que ce n’est pas cynique c’est un langage destiné à un ministre c’est tout…

    Le dernier paragraphe me fait plutot sourire. En plus il a raison la première réacion à un label est nécessairement hostile ou méfiante 🙂
    D’ailleurs ce fut aussi la mienne. C’est à nous d’en faire quelque chose d’utile. L’histoire de la presse (sur le plan des statuts) s’est fait ainsi. Non il ne faut pas en avoir peur.

    Certains défenseurs « libertaires » sont souvent des marchands qui ne veulent surtout pas à avoir à assumer les conséquences d’une responsabilité éditoriale (et je ne pense pas à Agoravox). C’est plutôt ce que je constate sur le terrain. Ni Tessier ni le moindre label ne brideront la prise de parole.

    Par ailleurs je ne vois pas Agoravox d’un « mauvais oeil », on n’en a déjà parlé, mais je n’accroche pas comme lecteur, c’est différent. Pour le reste c’est pour moi le modèle le plus abouti actuellement en matière de site contributif. Mais comme je n’accroche pas j’ai tendance à penser qu’il faut une troisième voie avec un encadrement plus professionnel (pas forcément pour écrire). C’est peut être la prochaine étape. Par ailleurs je pense qu’Agoravox est tout à fait concerné par ce type de label et n’a absolument pas à en avoir peur. Ca mérite d’en discuter.

  7. Oops… en fait c’est pas moi qui parle de cynisme. J’ai juste fait un copier coller du communiqué de la Ligue Odebi. Ce sont leur propos. Il y a trop de guillemets pour que ce soit clair en effet… 🙂

    Je n’ai pas particulièrement peur de ce label mais j’en cerne mal l’utilité. A bientôt

  8. Bonjour Emmanuel,

    A lire les divers commentaires ici où ailleurs, une chose semble évidente, la confusion des débats et des enjeux, symptome d’une construction en cours. Pêle-mêle on parle du statut de l’information, (Monputeaux ou Techcrunch dans les notes ci-dessus); des statuts excessivement compliqués de la presse papier et presse sur Internet; du statut des contributeurs occasionnels (à ce titre que penser des localiers dans la PQR); du contenu sur Internet et in fine d’un label garant d’aides gouvernementales (sur le modèle de ce qui existe sur le papier en fait, sous une autre forme).
    D’autres sujets sont abandonnés (la distribution des journaux, le statut des NMPP, les modèles commerciaux etc.).
    Pour sombrer dans la démagogie, on pourrait se dire que l’audience peut aussi être un critère discriminant sur Internet. Et que l’audience soit liée pour partie à des techniques de référencement pointues serait là aussi un autre débat.
    Sur le professionnalisme, je ne peux qu’être d’accord, le traitement de l’info reste un métier et globalement les pure player de la presse savent faire, les autres apprennent et font parfois très bien, mais ces derniers restent minoritaires malgré tout (par simple manque de moyens et de temps sans doute).
    Je digresse, mais tout ça pour dire qu’à termes, il faudra assumer que le traitement de l’info sur Internet est spécifique à ce média parce que la consommation de ce média est spécifique.
    Que l’évaluation de l’info ne peut se faire qu’à l’aune de son propre jugement, et vu la faible confiance des lecteurs envers les journalistes ce n’est pas gagné. D’autant plus à l’heure du « journalisme citoyen »…Agoravox montre assez bien les dérives possibles de ce type de modèle,et les apsects positifs.
    In fine, est-ce qu’une autre question, évitée, n’est pas aussi celle de la « gratuité » sur Internet et partant celle des modèles économiques sous-jacents ? Label ou non. Finalement 🙂

  9. Pingback: La presse au défi du numérique - Acte 2 at JLG’s blog

Laisser un commentaire