Rob Curley: où sont les croisés de la presse en ligne?

Merci, merci Francis Pisani de m’avoir fait découvrir cette intervention de Rob Curley, petit prodige de la presse en ligne qui a rejoint le Washington Post après une carrière dans la presse en ligne régionale. A l’occasion d’une conférence à l’université de Berkeley il expose avec passion et simplicité quelques unes de ses expériences de medias hyperlocaux (voir la video ici). Je ne vais pas retracer ici l’ensemble de ses exemples, ce soir éteignez la télé, versez vous un petit cognac et offrez-vous un cours de deux heures sur la presse en ligne. 

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Je retiens comme Pisani ses projets articulés autour de bases de données très complètes, ses podcasts à durées variables, ses videos de quidams (les célèbres « On Being« ), ses services à base de SMS pour picoler la nuit, sa mise en scène du quotidien des villes de province, son utilisation de toutes les plateformes possibles sans jamais céder à la gadgetisation, sans jamais parler de Web 2.0 alors que les lecteurs sont au coeur de l’ensemble de des réalisations. Le tout avec un design impéccable. Du bonheur.

« We’re not in the paper business, we’re in the news business, we’re in the content business »

Du bonheur qui en toute franchise m’aide à comprendre ce qui va mal dans les medias français. Ils baignent dans une eau croupie. Oscillant entre une révérence sirupeuse, l’effronterie calculée et l’information formatée. Désolé, la misère des JT en période électorale me mine en ce moment, tout autant que parti pris désespéré de la presse. Je discutais récemment avec Jean Guisnel, vieux briscard habitué des affaires troubles de la République, enquêteur de l’hebdo Le Point, et qui découvre avec effarement qu’une bonne enquête se publie désormais dans un livre. Un peu comme l’info a déserté depuis longtemps les JT pour les émissions de fin de soirée.

Mais peut-on faire de l’info avec des gens formés à la dissertation (j’en suis)? C’est un peu ça la leçon de Rob Curley. Où est la passion? Où est la vision? Et franchement je réalise en écrivant ces lignes que c’est précisément ce qui n’a pas surgit jusqu’à présent de toute cette logorrhée sur le Web 2.0 et le journalisme citoyen. Peut-être parce que jusqu’à présent beaucoup de medias de type communautaire sont menés comme des boutiques. Une épicerie où à défaut de prendre le risque de dire et de publier en son nom, on attend du lecteur qu’il remplisse lui-même les colonnes, prenne le risque de la publication sans oublier de céder ses droits. Merci mon gars.

> Voir aussi le blog de Rob Curley (qui rejoit illico ma blogroll)

10 réflexions sur “Rob Curley: où sont les croisés de la presse en ligne?

  1. Je suis, comme toi, un grand fan de Rob Curley. Et depuis longtemps.
    Son grand mérite est d’avoir remis l’éditorial au coeur des projets internet des médias.
    La clef, c’est le contenu, et la qualité du contenu.
    Le journalisme citoyen et le Web2.0 sont de belles révolutions, à condition que ces modèles soient exploités dans le sens de l’éditorial, pour enrichir l contenu, lui donner plus de peps, pas pour faire à la place de… C’est ce que les médias d’aujourd’hui ont a comprendre de ce qui est en train de se passer sur Internet aujourd’hui.
    Revenez à votre métier, les news, intégrez le contenu généré par l’utilisateur, éditez le, mais surtout faites votre métier de journaliste, surprenez nous ! Même un épicier du web devrait comprendre cela : il faut remettre l’éditorial au sein des nouveaux moteurs d’information. User Generated Content ou pas, sans journalistes pour trier, éditer, valoriser, pas de qualité.

  2. En fait je découvre Curley, et je trouve évidemment son approche adaptée pour la presse régionale, on en a déjà discuté. Du coup je suis curieux de voir son approche sur un media national. Je lui ai posé quelmques questions concernant des points d’organisation, j’attends sa réponse avec impatience.

    En tout cas cela donne à réfléchir,c’est déjà bien

  3. Bonjour,

    oui oui…Un sujet compliqué que le qualitatif, le journalisme d’investigation. Ce dernier, il y a bien longtemps qu’il est à l’agonie en France, si tant est qu’il n’ait jamais existé (Plenel, le canard ?).
    Dans ce type de débat, souvent on oublie la différence des pratiques entre journalistes américains et français.AUx US, la presse est un vrai contre pouvoir et se donne pour certains les moyens de l’investigation. Une posture rendue possible via l’arsenal constitutionnel,légal et financier.
    En France, l’investigation se fait souvent par la seule volonté d’un journaliste qui devra écrire un bouquin et être voué à la suspicion (Clearstream en est un bon exemple) et à la pression.
    Ce qui interroge sur la place du journalisme dans une démocratie, qui est le vrai sujet autour duquel tout le monde tourne sans vraiment poser la question.
    L’état du journalisme dans un pays renseigne sur l’état de la démocratie et de ce que chacun en fait. De là à dire, un peu facielement, que l’on a la démocratie et le journalisme que l’on mérite, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement :-))

  4. Je découvre aussi Rob Curley grâce au post de Francis Pisani. Et je souscris complètement à ce que dis Benoît : finalement, on demande aux journalistes de retrouver le chemin originel de leur métier, en mettant l’accent sur la qualité. Sans doute plus difficile à dire qu’à faire dans le contexte que vous décrivez… Cela dit, quand on lit la baseline du blog de Curley (« Internet punk » !), le nombre de fois où le mot « cool » y apparaît, quand on entend quels sont les nouveaux projets de LLM (idem, le mot « cool », « fun » revient sans cesse), on peut se dire qu’il faut trouver les moyens pour les journalistes retrouvent le goût, la joie, voire la passion de leur métier. A votre avis, cette volonté d’expérimenter doit-elle venir d’actionnaires compréhensifs (voire philanthropes) de groupes de presse traditionnels ou de journalistes eux-mêmes à la Mauriac-Haski-Riché ?

  5. La plupart des médias actuel sont ultra-séduisant mais vendent du vide ou un certain néant. La presse semblent vouloir s’adapter à ce mode de séduction événementiel et publicitaire et souvent au détriment de l’information.
    On nous vend avec la même intensité le drame du Darfour, le départ annoncé de Chirac ou quelque fait divers.
    Les jt veulent faire de l’audimat, le journaliste voit son travail lui echapper au profit d’un montage tendancieux et assez pathologique.
    Je ne pense pas que le journalisme se perde, la preuve est que sur le net se développe un réseau parallèle, mais les mass-medias ont créés un phénomène de « publicitisation » de l’info qui enchaîne et soumet l’objectivité et la sincérité des sujets.
    Le net est peut être la clé de la libre expression mais aussi le moyen pour certain incompétents de faire entendre leurs inepties et là, seul, le « spectateur/acteur » doit se forger un avis.
    C’est bien mais, je me répète, pour des ados en terrain vague, ce n’est pas forcément mieux ou pire que la soupe télévisuelle.
    Cela dit, avec le net ou la presse écrite, on a l’avantage du recul.
    On manque tellement de temps et de recul!!

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  8. J’ai eu l’occasion de rencontrer et de discuter avec Rob Curley en 2002 quand il a commencé au LJ. Ce qu’il met au centre de sa stratégie c’est L’UTILISATEUR. Et donc le SERVICE. Ca peut paraître une évidence sur ce blog, mais ça ne l’est pas dans les rédac.
    Dans les rédac, ce qui est au centre de la logique, c’est le journaliste, pas l’utilisateur. Mettre au centre l’utilisateur, c’est encore une révolution.
    Plus encore que l’éditorial, c’est le SERVICE éditorialisé que Curley propose.

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