Pour ou contre les contenus intégraux dans les flux RSS

C’est un débat ancien qui revient alors que la popularité des flux RSS laisse entrevoir l’opportunité d’une monétisation acceptable. La question est la suivante: pourquoi les éditeurs ne distribuent pas leurs articles au format intégral dans les flux RSS? Débat relancé par Freaknomics, un blog américain qui a l’occasion d’un partenariat avec le NYTimes a du abandonner la distribution de ses billets au format intégral, les publicités n’étant plus affichées que sur les pages web du site du quotidien (et non au sein des flux RSS).

Une contrainte qui ne ravit pas les lecteurs du blog qui doivent désormais cliquer sur les liens du flux RSS pour lire l’intégralité des articles sur le site web. Ce qui, il faut le rappeler, est tout de même une pratique largement majoritaire en ce qui concerne les flux RSS. Une situation qui provoque la colère de Scott Karp sur Publishing 2.0 qui reproche au NYTimes et aux annonceurs un raisonnement dépassé.

 Je comprends la frustration de certains lecteurs et des geeks férus de RSS (j’en suis) mais c’est aussi l’occasion de rappeler que le débat n’est pas aussi simple qu’il en a l’air. Le coeur du débat concerne moins le contenu que la délicate question de la monétisation. Je résume les arguments des deux bords et ajoute les miens:  

Côté pour: 
– Lecture efficace : débarrassé du support web on peut enfin lire les textes sur le support de son choix sans contrainte de navigation. 
– Gain de temps : on ne lit que le contenu voulu, sans distraction
– La monétisation est possible, pub a l’affichage ou à la performance par insertion de liens (popularisé par la régie Feedburner.com)
– Distribution en temps réel des contenus, visibilité normalisée pour chaque article (contre le web où la promotion des articles est inégalement répartie avec le risque d’échapper au lecteur)
– Lien fort avec le lecteur qui témoigne de son attachement à la marque éditrice par une acte d' »abonnement » aux flux.

Côté contre:
– Perte de maîtrise de la distribution de ses contenus (le RSS ne se résume pas à une consommation via des lecteurs de flux par des individus mais aussi la reprise sur d’autres sites web)
– Informations limitées sur les utilisateurs de flux: certes les outils de mesure à la Feedburner ou autres donnent quelques indications mais finalement assez imparfaites et très partielles.
– Pas de cookies ou scripts pour envisager le ciblage et l’analyse: volumes et taux de clics sont les seules données récupérables.
– Pas de « contexte » de lecture pour convaincre les annonceurs et justifier des tarifs spécifiques.
– Taux de clics médiocres: pour être honnête une étude de l’agence marketing Pheedo tend à nuancer ce constat et en particulier la proximité des taux de clics sur les pubs dans les deux types de format, RSS intégral contre RSS partiel. Des taux toutefois en retrait par rapport au web.
– Un point laissé de côté par les commentateurs: quid des revenus de publicités insérées par les éditeurs mais affichées sur les services comme My.Yahoo, My.Google, Netvibes et consorts. Situation identique à ce que l’on connait déja sur les video à la Youtube diffusées sur les plateformes de blogs. Combien de temps avant que celles-ci (qui peuvent bloquer l’intégration des videos ne revendiquent leur part du gateau publicitaire à Youtube?). En clair la situation serait très exactement la suivante: les éditeurs se retrouverait à générer des revenus sur les pages de Google et Yahoo. Celles-ci pouvant à tout moment être refusées par ces « hébergeurs ». Ceux qui pensent que les plateformes de consultation des flux RSS ne renvendiqueront pas un jour ces revenus font preuve d’une étonnante naïveté.
– Enfin rappelons-le: l’usage du RSS contrairement à ce qui peut se dire est encore très peu répandu au delà d’une population d’internautes technophiles
– Monétisation encore très faible et CPM difficilement extensibles avec comme corollaire un impossible retour sur investissement sur le coût des articles à quelques exceptions près sur des niches (blogs à faible coûts de production par ex).
– En France l’éternel problème des droits d’auteur peut compromettre ce type de distribution ou sa rentabilité.
– A terme perte d’affinité avec la marque et dilution du media dont l’activité fini par se résumer à une activité d’agence de presse.

 En vérité je comprends tout a fait que du point de vue du lecteur, les éditeurs se privent de répondre à une véritable demande. Une situation paradoxale et dangereuse. Mais la passion des cercles technophiles cache une méconnaissance du contexte juridique de la publication. Pour un lecteur qui consulte un article sur My.Yahoo, il lit son journal autrement. En réalité pour l’éditeur on diffuse son article chez un tiers (je ne parle pas de publication car la consultation reste privée dasn ce cas). 

Il y a certainement une réponse juridique à ce problème mais elle conduit forcément à une négociation pouvant mener à un partage des revenus, difficilement imaginable compte tenu de la rentabilité  encore très aléatoire des activités d’édition en ligne. Elle conduirait de plus à renforcer encore plus le poids des portails lesquels, faut-ils le rappeler, sont totalement incapables de monétiser l’affichage publicitaire au niveau de celui des éditeurs. Pire ils sont responsables du nivellement par le bas des tarifs publicitaires. Ceux qui pensent que Feedbuner remboursera le coût de production de leurs articles n’ont visiblement testé l’engin (où ignorent qu’ils passent à côté d’un niveau de rémunération bien supérieure).

En clair les éditeurs sont parfaitement prêts, techniquement, à distribuer gratuitement des contenus intégraux dans leur flux RSS (apres tout ils le font déjà, ça s’appelle le XML et la syndication) mais les conditions économiques ne sont pas encore favorables à ce type de déploiement et les implications juridiques et commerciales relèvent du terrain miné.

J’ai certainement oublié un certain nombre d’arguments, à vous de compléter…

14 réflexions sur “Pour ou contre les contenus intégraux dans les flux RSS

  1. Excellent article.
    La question, délicate, relève carrément du dilemme existentiel quand on est à la fois éditeur de contenu ET lecteur technophile…

  2. C’est une question de goût et de confort également. Je me vois mal lire tout un gros post sur un agrégateur tous les jours, c’ets usant, je l’ai essayé et ça fatigue.

  3. Je rejoins l’avis de SamirK Sur mon Netvibes par exemple, j’affiche toujours le site en iframe…

    Je pense comprendre maintenant l’intérêt des univers pour les éditeurs… et aussi pour les internautes… mais aussi pour Netvibes !! 😀

    Es t’il prévu que d’autres suivent l’exemple de mesechos.fr ?

  4. bonjour Emmanuel,
    tu écris « Ceux qui pensent que les plateformes de consultation des flux RSS ne renvendiqueront pas un jour ces revenus font preuve d’une étonnante naïveté. »

    = là semble être le problème, notamment sur des sites comme yahoo, google ou AOL qui achètent par ailleurs du contenu.

    Comme tu le précises, la difficulté pour un éditeur est de « lâcher » gratuitement via RSS l’intégralité de son contenu là où il l’a éventuellement vendu sur des sites de consultation.

    Pendant longtemps la syndication a été un moteur de développement de sites éditeurs. Pour l’avoir vu lorsque je travaillais chez AOL, on se faisait draguer par des centaines de sites.

    Leur objectif était clair : produire du contenu de qualité coûte cher, le vendre permettait de remplacer des ventes d’espaces publicitaires dérisoires, en tout cas à l’époque. Tous les grands éditeurs (auféminin, zdnet, 01net, motorlegend, gamekult…) ont utilisé au moins en partie ce modèle économique.

    Aujourd’hui il semblerait que le marché publicitaire soit plus mature. Il n’empêche : avec le RSS le business de la syndication risque de prendre un coup dans l’aile, et ainsi d’empêcher de nouveaux éditeurs d’apparaitre sur le marché.

    Sauf s’ils arrivent à gagner de l’argent via leur flux RSS, lu dans netvibes ou myyahoo.

    Ceci dit, en comparant le net à la vie réelle, netvibes et consors « ne sont que » des diffuseurs, au même titre que TF1. Que fait TF1 ? Il achète ses programmes.
    Et de leur côté rares sont les producteurs qui diffusent gratuitement leur film / série / émissions.

    Vaste et passionant sujet en tout cas !

  5. oups pardon pour le commentaire précédent : 2ème paragraphe : google n’achète pas de contenu. Je voulais dire Orange (ne me demandez pas comment j’ai pu les confondre…)

  6. Y’a aussi le fait que le full RSS rend difficile la mise en avant de contenus complémentaires, et la navigation en général… Bref, ça ne met pas en valeur une éventuelle richesse éditoriale et n’aide pas beaucoup le ratio pages vues / visiteur…

    (en gros ce que j’ai écrit sur le lien ci-dessus)

  7. Cedric, la syndication a perdu du terrain car elle est aussi contradictoire avec le référencement en créant des doublons d’articles. Egalement parce que les sites qui ont su conserver des CPM élevé se sont concentré sur le développement de leur audience.

    Oui Guillaume, j’oubliais cet argument, le plus évident, le RSS gènère peu de navigation hélas (c’est même le pire). Ce qui conduit à la question du ROI. On peut difficilement couvrir le coût d’un article par une seul pub à moins de twitter…

  8. Pingback: Revue de presse | Simple Entrepreneur

  9. Il se peut que je n’ai rien compris, dans ce cas, n’hésitez pas à me reprendre!

    Pour ou contre les contenus intégraux dans les flux RSS
    Je ne pense pas que le faite de tronquer le contenu d’un flux soit une réelle solution au manque à gagné provoqué par la libre distribution d’un contenu intégrale dans les agrégateurs de flux.
    Bien évidemment, du point de vue de l’éditeur, il se pourrait qu’un jours il décide de vouloir monétiser ses articles en contre partie de leur diffusion sur ces argégateurs.
    Dans ce cas là, il existe des régies spécialisées dans ce domaine, la première me venant a l’esprit est bien évidement celle de Feedburner.

    A mon avis, il serait vraiment navrant de brider le partage de culture générée par la libre distribution du contenus, à un quelconque profit qu’il peut générer.

  10. > Badoux : les revenus de feedburner pour ce blog se montent à moins de 2$ par mois. La régie n’a pour le moment pas brillé par ses performances malgré tout ce qu’on peut lire de la part des gens mal informés.
    Ensuite le choix de pratiquer du cpc dans les flux RSS nous éloigne encore d’un minimum de retour sur investissement. Songez que si les articles figuraient en entier la valeur ajoutée serait entièrement transposée dasn les flux RSS, il faudra autre chose que des pubs pour des organismes de crédit en CPC pour financer tout ça.
    Oui c’est navrant mais on ne peut repprocher aux éditeurs de vouloir vivre de leur métier.

  11. Entièrement d’accord sur le faite de vouloir vivre de son métier. Toutefois, il ne faut pas négliger le pourvoir de l’agrégation du contenues par les nouveaux moteurs orientées RSS.

    Le problème ne vient pas du fait de publier l’intégralité ou pas des articles dans nos flux. Je pense plutôt que c’est la manière dont nous allons monétiser leurs consultations.

    Je pense vraiment qu’il est encore trop tôt pour commencer à modérer l’accès à nos contenus. Les fils RSS/etc. ne sont qu’au stade de découverte part beaucoup de sociétés. Sans parler du manque de régies publicitaires destinées aux flux.

    Quoi qu’il en soit, la publication intégrale d’un article à l’intérieur d’un flux RSS/ATOM/etc… est importante au bon référencement de article en lui même part les moteurs de recherche.

    En fin de compte, le problème à régler, est réellement « Comment monétiser notre contenu » et non pas comment le modérer !

    Pour ma petite histoire, je travail depuis quelques mois, sur un projet de moteur de veille, qui consiste à suivre l’actualité mondiale d’un produit à l’aide des articles publiés à travers Internet, ceci grâce aux flux RSS.
    Le principe est simple, quotidiennement les flux enregistrées dans la base de données sont passés au peigne fin par notre algorithme, dans le but d’agréger l’intégralité des nouveaux articles dans notre base de données « Ceci afin d’accélérer la consultations des articles par nos utilisateurs ».
    L’atout principale de notre moteur, sera de fournir des analyses quotidiennes des consultations. Exemple: le nbr de visiteurs, le nbr de consultations/article, les mots clefs, le pays, la langue, etc.

  12. Une autre solution, plus radicale, serait de supprimer la permission aux internautes de s’inscrire au flux RSS de son blog/site.

    Le boycott peut être une manière d’ouvrir le débat.

    D’autre part, je trouve que blogger reste avant tout une passion ; cela me paraît utopique de vouloir gagner sa vie grâce à son blog – je veux dire par là qu’il y a meilleur moyen sur le web. Un blog peut par contre être un fabuleux outil marketing pour un nouveau produit, une startup… Et là les agrégateurs ne peuvent qu’être remerciés de « spreader » les articles, qui ont une visée publicitaire.

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