Revenus des medias: les limites de la course au trafic

Signe des temps, alors que certains s’extasient toujours sur les volumes de trafic mirifiques des sites communautaires d’autres s’interrogent sur les limites de cette course à la carotte. En particulier ils se demandent si l’intérêt des medias est de participer à la kermesse. Que l’interrogation vienne d’un investisseur VC montre que ce n’est plus un débat de théoriciens. L’investisseur, c’est Jeremy Liew de Lightspeed Venture Partners, et sa préoccupation c’est comment un média peut-il atteindre un CA de 50 M de dollars. Tout un poème.

Le paradoxe qu’il soulève tient en trois scénarios, lequel est le meilleur pour un média?
1- D’un côté la vaste plateforme communautaire draine des milliards de pages vues mais avec un CPM de 1$ grand maximum. Il lui faudrait des dizaines de milliards de pages vues. Est-ce bien raisonnable de devoir cibler 50% d’une population pour espérer des marges de profits?
2- Au centre le portail communautaire, avec une diversité de contenus et services, qui supporte des centaines de millions de pages de pages vues et pousse dans le meilleur des cas son CPM à 5$. Difficile même pour un Microsoft, il faudrait 10 milliards de pages vues.
3- Enfin le site thématique (bagnoles, voyages, films) qui en ciblant des niches publicitaires peut prétendre à quelques dizaines de millions de pages mais un CPM de 20$. Là l’objectif serait des centaines de millions de pages vues. Pas facile.

Evidemment l’ordre croissant est aussi celui du coût de production du contenu. Autrement dit l’objectif est difficilement atteignable dans les trois cas.  Scott Karp, Publishing 2.0, fait aussi remarquer que les milliards de pages vues ne signifient pas forcement un nombre proportionnel de visiteurs uniques. Le visiteur d’un Myspace génerera 50 pages vues là où celui d’un site media en génerera 5 ou 8. C’est aussi pour cette raison que l’équilibre des prix s’organise. C’est aussi pour celà que les medias ne sauraient rester crédibles avec des CPM inférieurs à 10$ ou 20$ mais c’est une autre histoire.

J’ajouterai à la réflexion l’importance du contexte: l’impact de la publicité n’a aucune raison d’être le même dans des forums d’ados que sur des pages de contenus éditoriaux. Oui c’est un jugement de valeur, au sens propre. J’ai déjà mentionné les remarques d’un annonceur à propos des résultats médiocres de la pub sur Myspace. On aurait tort de sous-estimer l’importance de ce facteur alors même que jusqu’à présent tout ce beau monde ne voit que la publicité comme source de revenus. D’ailleurs c’est peut être celà la solution de l’énigme: la marge ne viendra peut être pas de la publicité mais des produits dérivés, des services, des revenus des mobiles et … du payant. 

Lire aussi le papier du NYTimes inspiré du même article : « La popularité pourrait ne pas suffire« … 

10 réflexions sur “Revenus des medias: les limites de la course au trafic

  1. En effet, ça fait réfléchir, voire même, ça fait froid dans le dos!

    Cependant, Jeremy Liew se focalise sur un modèle tout pub. Dans le domaine de la presse, on peut aussi imaginer l’abonnement et l’affiliation, voire même d’autres pistes…

    Ce n’est au final pas une surprise : le modèle éco de la presse sur le web ne peut pas être tout pub. Surtout, s’il s’agit d’un contenu « qualitatif ».

  2. Pour le vivre en ce moment, la pub sur un site vertical à l’audience correcte – 20 000 visiteurs uniques par jour 2 millions de paps – ne suffit pas. Il s’agit d’un pure player sur l’automobile, un secteur où la pub est pourtant présente.

    Afin de faire des bénéfices (ce qui est très différent de réaliser un gros CA), il faut diversifier les sources de revenus : vente de contenu, emailing, etc.

    Les solutions existent mais l’équilibre est dur à trouver !

  3. L’automobile est justement un secteur en France ou les (quelques) annonceurs ont pris l’habitude de faire tourner leurs campagnes à prix écrasé (par les acheteurs d’espace).

    Résultat ils arrosent les portails et grands sites en recyclant en partie leurs campagnes TV. Quelques opés spéciales tirent leur épingle du jeu mais plus au profit des agences interactives que des médias concernés.

  4. De fait nous sommes confrontés à deux intermédiaires : l’acheteur d’espace côté annonceur et les régie pubs côté médias, puisque les acheteurs d’espace ne passent que par des grosses régies et non en direct…

  5. Ouf, ça fait du bien de se sentir soutenu sur la défense du CPM.

    Site de niche à dominante éditoriale (préférant rester anonyme, merci) se situant quelque part autour de 10 millions de pages lues mensuelles, notre CPM net net moyen sur la dernière année se situe autour de 15 euros.
    Mais pour ça, il faut se battre contre les régies (qui n’hésitent jamais à arriver la bouche en coeur avec un CPM de 1 euro) et contre ceux de nos concurrents qui acceptent leurs offres et tirent le marché vers le bas (quand ils ne se bradent pas volontairement par ignorance). Parce que ce niveau d’offres n’existe que « grâce » à ceux qui les acceptent.
    Du coup, on résiste. Ca reste possible sur le captif parce que le support est tres qualitatif et reconnu, beaucoup plus dur en dehors. Nous avons clairement conscience d’être aujourd’hui une exception (ceci dit, je ne sais pas si l’on peut trouver des chiffres fiables sur le sujet) et tiendrons nos positions dans la mesure du possible 🙂

  6. Finalement a-t-on une idée du CPM moyen sur les sites médias « pure player » ? Il existe une vaste fourchette selon les thématiques, et par delà une différence entre plusieurs sites d’une même thématique.


    Juste pour revenir sur ton billet : les chiffres en terme d’audience sont de toute façon très élevés pour le marché francophone… Ce qui est sans doute l’un des problème : les régies des grands portails se basent sur les US pour définir leurs CPM alors que les marchés n’ont rien à voir (en volume, maturité, comportement…).
    Or ce sont ces régies qui orientent le marché, voir intègrent en leur sein des sites médias (voir la régie d’AOL France qui gèrent Seloger ou sporever).

  7. Le modèle du coût au clic pourrait trouver sa place sur ces sites à très forte audience. Il faut évidemment que la campagne s’y prête, ce qui peut être le cas des publicités du secteur automobile.

    L’annonceur a ainsi tout lieu de réguler son audience et de suivre précisemment ses résultats.

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