NYTimes gratuit, est-ce bien raisonnable?

L’annonce suscite beaucoup de commentaires aujourd’hui, le NYTimes.com vient de mettre fin à son offre payante TimeSelect et bascule 20 ans d’archives en mode gratuit. La raison est simple en période de croissance exponentielle de la manne publicitaire le payant est un frein à la croissance de l’audience et des revenus du site. Moi qui ait prédit le retour du payant en 2007 j’ai l’air fin!  Pas brillant mais ce n’est que partie remise. Trois point méritent d’être rappelés:

– Contrairement à ce qu’on croit une très grande part des contenus du NYTimes est en accès libre (contre enregistrement gratuit) depuis longtemps
– Le choix des contenus réservés aux abonnés Timeselect etait très critiquable: les tribunes et du contenu premium limité.
– Le site est déjà très optimisé pour Google jusqu’à ses archives organisées en « topics »

Pour ces raisons je ne suis pas persuadé que le passage au gratuit produise un effet aussi spectaculaire qu’on l’imagine. Il rafle déja l’essentiel de la visibilité sur Google news comme le montre le Google News report. Certes il progressera mécaniquement par un effet prolongé de la longue traîne mais dans un environnement trop concurrentiel pour faire exploser le compteur. En revanche il gagnera une grande souplesse pour ses développements futurs et dégagera probablement un budget non négligeable auparavant mobilisé pour la gestion et le recrutement des abonnés.

Sur le fond même si la décision ravit la plupart des commentateurs (et comme lecteur je m’en réjouis aussi) elle me paraît discutable dans la mesure ou l’existence d’un lien financier avec le coeur du lectorat constitue une barrière d’entrée stratégique vis à vis de nombreux concurrents. Surtout c’est un élément important de la qualification de l’audience alors que le marché reconnaît désormais que l’avenir n’est plus à la course à l’audience mais à la hausse du revenu par utilisateur et le ciblage. Sur ce point l’obligation de s’enregistrer constitue sans nul doute une contrepartie suffisante mais il y a fort à parier que l’arrivée d’une audience non fidelisée conduise à une baisse du CMP moyen. Un point déjà soulevé par le Wall Street Journal dans l’hypothèse de son passage au gratuit. Pas simple.

La question au fond n’est pas de savoir si la perte des revenus de l’abonnement sera compensée (elle le sera mais certainement pas celle des revenus du papier) mais si l’opération permet d’accroitre le revenu par lecteur. Rien n’est moins sûr.

> Lire la synthèse sur Editors Weblog et la réaction mitigée de certains sites payants
> La lettre aux lecteurs

12 réflexions sur “NYTimes gratuit, est-ce bien raisonnable?

  1. Si les archives sont un minimalement optimisées pour une bonne aggréagation par les moteurs de recherche, ou pour simplement Google, le nombre de 13 millions de visiteurs devrait logiquement atteindre les 100 millions au pire des scénarios dans moins de 6 mois après leurs mise en ligne.

    Ceci est basé sur plusieurs de mes expériences professionnelles ici au Québec(archives de Radio-Canada, Le Devoir, TQS).

  2. Si le développement du payant (du moins pour une partie) est aussi quelque chose dans lequel je crois à terme, la question est: est-ce sur l’info ou sur le service? Pour un quotidien comme Les Echos, où l’info a valeur de service (veille de marché), ce n’est pas le cas, par exemple, pour l’essentiel de la presse magazine, qui va devoir s’inventer un modèle.
    Quant au CPM, je partage l’analyse. C’est une des clés de l’avenir de la presse en ligne. Ceux (dans les sites de presse de qualité) qui, aujourd’hui, favorisent le réseau avec des CPM à 1 s’en mordront les doigts un jour.

  3. Je corrige une phrase où il manque un mot:
    « Pour un quotidien comme Les Echos, où l’info a valeur de service (veille de marché), il est clair que l’info peut se payer; »

  4. Eric > les archives représentent un fond exceptionnel mais je doute qu’un article de 1986 passe en priorité sur les résultats de requêtes. Enfin comme je l’ai dit les Topics sont déja très bien optimisés. Il y aura un gain bien entendu mais de là à atteindre 50% de la population US…

    Christophe > j’évite en général de prendre l’exemple des Echos ou du WSJ car il est clair que les modèles ne sont pas forcément exportables. Encore une fois ce sont les quotidiens généralistes qui souffrent le plus d’où je comprend parfaitement la tentation. Mais la baisse du CPM et l’ouverture à tous les vents de Google les aligneront avec les grands portails sur un plan commercial ce qui pourrait se révéler un piege mortel.

  5. Bien évidemment de nombreux facteurs rentrent en compte dans ce type de calcul, mais si je me réfère à l’un de tes précédents billet, il est intéressant de noter que « seuls » 10% du CA du NYTimes provient du web, et encore parmi lesquels il faut compter 30% via about.com.

    En mettant en parallèle ces chiffres, ceux du coût de la production de contenu et ton analyse sur le faible apport en trafic que cela devrait générer, j’ai plutot l’impression que le NYTimes, en ouvrant les vannes, « lâche » l’affaire sur le web. En tout cas pour le moment. Pour mieux rebondir sur le mobile ?

    L’autre constat que l’on pourrait faire est que le contenu en tant que tel n’est pas (assez) rémunérateur. Les services, si. Je rejoins Christophe là-dessus : à partir de quand le contenu est service ? Certains arrivent très bien à monétiser leur travail autour du contenu. Par exemple je suis régulièrement étonné par le prix des lettres confidentielles.
    Mais sur un site web grand public, pour gagner de l’argent « vraiment », il faut réfléchir à certains services autour du contenu.

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  7. Le risque est également que les recettes publicitaires ne sont pas inextensibles. Le gâteau sera soit à partager, soit seuls certains auront beaucoup.

    Le choix de ce modèle gratuit ne conviendra donc pas à tout le monde.

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