Etats généraux de la presse: et la pub?

D’un côté on rassure les troupes avec l’incontournable « l’information-n’est-pas-une-marchandise » (« comme les autres » est-il précisé, signe d’un début de clairvoyance), de l’autre on aborde les points chatouilleux. Merci aux étudiants de Sciences Po pour quelques videos prises à l’occasion des rencontres du Pôle 3 consacré à Internet. Si vous avez du temps à perdre vous pouvez lire le récit d’un pitoyable incident de séance qui me deçoit comme abonné de Mediapart (ce qui ne les empêche pas d’être pertinent sur la critique de l’organisation de l’événement mais je crois qu’ils se trompent de combat, passons).

Les choses sérieuses commencent avec le rapport McKinsey (voir l’explication d’Eric Scherer de l’AFP) qui décrit l’essentiel de la chienlit ambiante côté économie de la presse. Si vous lisez ce blog vous en connaissez déjà les grandes lignes en particulier pourquoi la pub fuit la presse. Je retiens la video de Frederic Filloux (20Minutes – groupe Schibsted) un des rares à s’exprimer sur le terrain du modèle économique.

Je relève la remarque particulière sur le prix de la pub en ligne en France et de la chaîne « alimentaire » qui ponctionne les revenus publicitaire en amont des éditeurs. Remarque qui peut sembler anodine à qui ne sait pas que le prix moyen de la publicité en France est 3 à 4 fois inférieur à celui de la Grande-Bretagne ou des USA. Une particularité déjà relevée ici et qui conduit à compromettre le modèle économique de la presse en ligne française. Un raisonnement que j’ai eu l’occasion d’expliquer aux étudiants de plusieurs écoles de journalisme et que Frederic Filloux a popularisé très brutalement sur son blog, calcul à l’appui (traduction chez Benoit). Hypothèse sous entendue par Filloux: quelle responsabilité des agences de pub et des acheteurs d’espace dans cette particularité française?

A lire aussi le résumé de la séance par Eric Scherer sur Mediachroniques

(A noter aussi un tres bon papier de Filloux sur les errances de la diffusion gratuite des quotidiens, l’autre facette des petits secrets de la diffusion. Sur ce point je suis prêt à penser qu’une partie de la baisse actuelle de diffusion des journaux peut s’expliquer aussi par la réduction de cette diffusion « grise » afin de restreindre les coût de fabrication et de distribution, ce qui grossit artificiellement les statistiques décrivant cette baisse de diffusion)

15 réflexions sur “Etats généraux de la presse: et la pub?

  1. « le prix moyen de la publicité en France est 3 à 4 fois inférieur à celui de la Grande-Bretagne ou des USA »

    J’ai déja entendu Francis Pisani dire a peu près la même chose (pour les blogs) dans l’atelier des médias. Avez vous une explication quand à cette différence ?

  2. L’explication nécessite de la prudence: le marché français est caractérisé par la présence de intermédiation puissante qui peut influer sur la fixation des prix. C’est ce qu’insinue Filloux.
    D’autres explications viennent s’ajouter: d’abord la pression publicitaire par individu est 3 à 4 fois inférieure à celle qui existe en UK. Il y a donc moins d’investissement. Je suis prêt à le penser d’autant que je constate que la pression présente également les memes caractéristiques sur les liens Google alors qu’ils sont soumis à des enchères.

    Enfin il y a d’autres raisons liées à l’offre elle-même. Le sujet est hautement polémique mais disons qu’on paye aussi une certaine stratégie d’agrégation d’audience qui consiste à fourguer tout et n’importe quoi sous une marque afin de doper le compte des VU sous Nielsen. Je ne suis pas sûr que le contrat de lecture de certains medias soit conforme à celui de leur support papier par exemple…
    Au final le « n’importe quoi » s’équilibre avec le prix toujours plus bas.

  3. Pour ce que j’ai pu voir de la vente pub « web versus print » au Canada et en France, j’aurais tendance à avancer sur les mêmes pistes explicatives qu’Emmanuel. Cette tendance à « brader » le web systématiquement, à offrir du package ( donc souvent à « donner » le web comme un bonus au print ) sont peut-être la marque d’un retard français dans la façon d’aborder l’e-pub ? chose certaine, les vendeurs de pub par marque média ( et non par support ) se tirent une balle dans le pied car ce faisant, ils n’éduquent pas leurs clients et leur donnent une habitude désastreuse: déprécier les audiences web. La « gratuité » tue la presse, dans tous les sens du terme 🙂

  4. Voilà…
    Pas besoin de gratter très profond, n’importe qui travaillant sur ce secteur et ayant le moyen de comparer avec d’autres pays identifie très simplement la nature du problème…

  5. Savez vous on l’on peut trouver les chiffres sur le prix moyen de la publicité par pays ainsi que la description de la chaine « alimentaire » qui ponctionne les revenus en France?

  6. Il n’y a pas à ma connaissance de sites fournissant ce type d’information. En particulier pour une raison simple: les données de chiffre d’affaires des medias sont habituellement fournies en données « brutes » c’est à dire sans tenir compte les tarifs réellement pratiqués une fois appliqué un certain nombre de ristournes. La réalité est cruelle : les statistiques sur le chiffre d’affaires de la presse que vous pouvez trouver tous les ans dans certaines revues sont tout simplement fausses. Dans des proportions telles que plus personne n’a intérêt à dire la vérité…

  7. Pingback: Crise de la presse sur France Culture « ecosphere

  8. Bonne question, cela dépend des sources (déclaratif ou non). en pratique les chiffres cachent aussi les échanges marchandises et autres joyeusetés. Cela dit cela ne compromet pas forcément les tendances dégagées par ces études

    Pour Publishing2.0 il affecte, sauf erreur, un CPM moyen qu’il évalue lui même (un CPM tout a fait envisageable aux US pratiquement pas en France). C’est une autre façon de faire le calcul. Ceci étant dit son calcul est aussi un bon moyen de mettre à jour d’énormes incohérences de calcul qui mettent à mettre en doute soit le CPM de départ, soit le chiffre d’affaires déclaré… CQFD (sauf qu’il passe à côté de cette hypothèse évidente)

  9. Oui, il évalue lui-même le CPM moyen à $30, pour retomber tout juste sur les chiffres de la NAA

    C’est vrai je n’avais pas fait attention à l’indépendance de la source (je découvre), du coup les chiffres sont peut-être gonflés ou le CPM inférieur, merci pour les explications

  10. Pingback: Etats généraux de presse: toujours la pub « ecosphere

  11. Pingback: Google sous le feu des Etats généraux « ecosphere

  12. Pingback: LSDI : Google? “La causa di tutti i mali” per gli editori francesi

Laisser un commentaire